Du grec epistázô, qui veut dire littéralement : “Saigner du nez”, cela vous semble donc déjà familier. D’une manière ou d’une autre, vous vous êtes déjà trouvé dans une situation où vous rencontrez quelqu’un qui saigne du nez. Allez !! Le diagnostic est simple, mais peut-on répondre à la question : que faire devant un patient qui saigne du nez ?
Le bon médecin pose le bon diagnostic, oui, mais la tâche ne s’arrête pas là : il faut traiter le patient. Encore faudrait-il bien poser son diagnostic.
Overview
L’épistaxis est définie (épistaxis est un mot féminin) comme un saignement provenant des cavités nasales ou sinusiens. Pourtant, le saignement peut être extériorisé ou non. Ce qui veut simplement dire qu’il peut être assez aisé de passer à côté d’une épistaxis dont le saignement est plutôt postérieur (le sang coule par les choanes et non par les fosses nasales).

Pour déjà nous simplifier la tâche, sachez que dans le cadre de l’épistaxis, le saignement peut être :
- Antérieur : plus fréquente (celle que vous avez certainement vu chez vos proches)
- Ou postérieur : par les choanes, moins fréquent et plus grave. Le saignement peut être visible au travers le pharynx.

Les choanes sont les deux ouvertures sur la partie postérieure de la cavité nasale, à l’opposé des narines que vous connaissez certainement bien.
Etiologies
C’est ici que vos talents de détective se mettent en jeu. En effet, un épistaxis (Stop !)…
Les plus malins l’ont vu ha ha ! C’est une épistaxis.
En effet, une épistaxis peut avoir plusieurs causes dont nous pouvons citer :
- Causes locales
- Traumatisme : certainement la plus fréquente des causes
- Un corps étranger peut entraîner la survenue d’une épistaxis
- Il peut exister une brèche méningée avec issue de Liquide cérébrospinal
- Infection ou inflammation :
- cas des rhinosinusites.
- Cause tumorale
- Un cancer du cavum peut se révéler par une épistaxis
- Traumatisme : certainement la plus fréquente des causes
- Causes générales
- HTA : une hypertension artérielle peut entraîner une épistaxis
- Troubles de l’hémostase :
- Une thrombopénie, thrombopathie
- Purpura : rhumatoïde, fulminans, infectieux
- Maladie de Rendu-Osler
- Artériosclérose
La Maladie de Rendu Osler ou Télangiectasie hémorragique héréditaire est une maladie rare génétique à transmission autosomique dominante avec ces critères (critères de Curaçao) :
- Epistaxis récidivantes
- Télangiectasies cutanéo-muqueuses
- Malformations artério-veineuses viscérales
- Au moins une histoire familiale
Halte, la zone de Kiesselbach (tache vasculaire)
Les amis, nous ne pouvons parler d’épistaxis sans revenir sur ce mot assez difficile à prononcer : K-I-E-S-S-E-L-B-A-C-H.
Il est certes, difficile à prononcer, mais cette zone est faible, pas comme son nom. La zone de Kiesselbach constitue un espace où viennent s’anastomoser plusieurs artères dont :
- L’artère éthomoïdale antérieure
- L’artère sphénopalatine
- L’artère faciale (via l’artère de la sous-cloison)
La connaissance de cette zone est importante puisqu’elle peut être le siège de nombreuses épistaxis, les vaisseaux de cet espace étant beaucoup plus fragiles exposant à un risque de saignement.
Formes cliniques
Epistaxis essentielle
L’épistaxis bénigne représente la forme la plus fréquente, caractérisée par un saignement minime, volontier chez le sujet jeune de sexe masculin après un microtraumatisme ou une irritation (exposition solaire) au niveau de la tache vasculaire. Il s’agit d’une épistaxis bénigne.
L’épistaxis de l’enfant peut être associée à une infection, un traumatisme (avec un corps étranger)
Epistaxis grave
Il s’agit d’une urgence exposant à un choc hypovolémique (hypotension & tachycardie), associée à un saignement abondant (antérieur voire bilatéral et/ou postérieur pour certains cas).
Conduite à tenir
Interrogatoire
Devant une épistaxis, il est nécessaire de procéder à un interrogatoire bien suivi en définissant :
- Age du patient
- Ses antécédents : HTA, hémopathie, prises médicamenteuses (Anti-agrégant plaquettaires ou anticoagulants…) ou pathologie ORL
- Notion de traumatisme
A l’examen clinique
- Examen général :
- Evaluer le rétentissement de l’hémorragie : Mesure de la TA, pouls, saturation en oxygène
- Aspect des conjonctives, attitude du patient (sueur, palpitations…)
- Examen ORL :
- Rassurer le patient, procéder à une rhinoscopie après tamponnement antérieur afin de répérer la zone du saignement.
- Inspection du pharynx à la recherche d’un saignement postérieur
- Puis compléter par le reste de l’examen ORL
Examens complémentaires
Examens complémentaires : sont demandés en fonction du contexte clinique du patient. On peut ainsi demander :
- NFS, Groupe sanguin, bilan d’hémostase, fibrinogène
- L’imagerie sera demandée en fonction de l’orientation étiologique.
Devant une épistaxis, certains diagnostics différentiels peuvent également être évoqués dont :
- Hémoptysie (voir l’article) : il s’agit d’un saignement extériorisé (par la bouche) lors d’un effort de toux.
- Hématémèse : saignement extériorisé par la bouche lors d’un effort de vomissement.
Attitude thérapeutique
Faites moucher votre patient est votre premier geste. Pour éliminer les caillots.
Rassurez votre patient (une légère sédation pouvant être proposée). Le patient en position demi-assise (risque d’inhalation si patient allongé), une anesthésie locale à la xylocaïne à la naphazoline peut être réalisée. Le but du traitement est d’arrêter le saignement.
Si le patient présente des signes de gravité, une mise en condition est indiquée avec une pose d’une voix veineuse périphérique, une oxygénation si nécessaire et un monitoring (scoper le patient pour analyser ses constantes).
Hémostase locale

Dans un premier temps, une compression bidigitale le patient penché en avant (5 à 10 minutes) peut être efficace si le saignement est moins abondant.
Si la compression bidigitale s’avère inefficace, un tamponnement hémostatique antérieur grâce à des mèches grasses, des mèches résorbables, des tampons rhinologiques expansifs peut être réalisé. Enlever les mèches après 48h à 72h (Cfr. Cours UPR ORL 5e Année – 2023-2024, Faculté de Médecine et Pharmacie de Rabat)
Au cas où le tamponnement antérieur n’est pas efficace, on peut ensuite recourir à un tamponnement postérieur. Une anesthésie locale s’avère nécessaire puisque ce geste est douloureux.
Si les mèches pour le tamponnement durent plus de 48h, prescrire une antibioprophylaxie à base d’Amoxiciline protégée. Au cas où l’origine du saignement est identifié, on peut recourir à des gestes d’hémostase tels une cautérisation chimique ou une coagulation à pince bipolaire.

Hémostase régionale
Une hémostase régionale est le geste de recours en cas d’échec des méthodes locales (compression et tamponnement).
Elle consiste essentiellement à amputer le vaisseau en cause du saignement. On peut donc procéder à :
- Ligature de l’artère sphénopalatine : plus classique
- Ligature de l’artère maxillaire interne
- Ligature des artères éthmoïdales antérieure et postérieure
- Embolisation de l’artère maxillaire interne
- Ligature de la Carotide externe
Traitement étiologique
Après avoir arrêté le saignement, il est nécessaire, selon le contexte de traiter la cause, soit :
- Une tumeur
- Une HTA
- Un trouble de l’hémostase, etc.
Le traitement anti-hypertenseur n’est indiqué que si l’HTA persiste. En effet, la tension peut être faussement élevée lors de la prise en charge initiale, le stress pouvant induire une élevation de la tension.
Un patient sous AVK qui fait une épistaxis sévère non contrôlée doit arrêter son traitement et recevoir en urgence du CCP (Concentré de Complexe Prothrombinique) et de 10mg de Vitamine K. (Collège ORL, 5e Edition)
Conclusion
L’épistaxis constitue un motif de consultation pouvant faire l’objet d’une urgence en ORL. Il est nécessaire de connaître sa prise en charge urgente en pré-hospitalier afin d’éviter la survenue des circonstances beaucoup plus graves.
Ne l’oubliez pas : commencez par faire moucher votre patient avant tout geste d’hémostase. Portez-vous bien.
Sources
- Collège d’ORL Edition 5e Edition (Epistaxis)
- Maladie de Rendu-Osler Manifestations cliniques et prise en charge multidisciplinaire (Revmed.ch)
- MSD Manual
- Cours d’ORL 2023-2024 : Faculté de Médecine et Pharmacie de Rabat (UPR 5e Année)
- Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) Maladie de Rendu-Osler [Centre de Référence pour la maladie de Rendu-Osler de Lyon] : Janvier 2018