Toute douleur devrait renvoyer vers une cause, ainsi dirait-on : il n’y a pas de fumée sans feu.
Revenons-en aux faits, il vous est déjà arrivé de rencontrer un patient, que ce soit en consultation ou même dans votre quotidien, qui vous rapporte des maux de tête, ou des céphalées. Vous en êtes vous-même témoin, bien des fois, il vous est déjà arrivé de souffrir de cet horrible symptôme au point qu’il ampute vos performances de la vie de tous les jours. Repensez à ce jour où, malgré une bonne sieste, vous vous rendez compte que cette bête ne vous a pas lâché d’une semelle, mais qu’elle s’est attachée à vous de manière beaucoup plus intense !
Il était temps que nous comprenions finalement ce que c’est et qu’est-ce qui se cache derrière ce motif aussi fréquent de consultation en médecine, voire le premier en Neurologie. Alors, comme le dirait Mr. Athoms MBUMA : “Let’s teach”, apprenons-ensemble !
Sans surprise, le mot céphalée, que l’on appelle communément mal de tête (ou maux au pluriel), fait allusion à toute douleur centrée sur le crâne. De plus, il est important de préciser que toute céphalée n’est pas forcément associée à une pathologie centrée sur votre système nerveux central ou périphérique. En effet, votre cerveau est le centre moteur de tous les processus de votre organisme, une atteinte à distance peut induire l’apparition d’une céphalée, des maux de tête.
Alte ! Définissez le contexte
Retenez-le une bonne fois pour toutes : devant un patient qui se présente pour des céphalées, il sied de préciser les éléments suivants :
- Les antécédents personnels ou familiaux
- Les facteurs de risque cardiovasculaire : une atteinte cardiovasculaire peut se réveler par des céphalées intenses d’apparition brutale
- Le siège des céphalées
- La sévérité des céphalées
- Le type : tension, en coup de tonnerre…
- Son profil évolutif
- Les signes accompagnateurs : aura, en faveur d’une migraine ; des signes articulaires (patient >50 ans), en faveur d’une maladie de Horton

Le profil des céphalées vous permet de les classifier en deux entités bien distinctes :
- Céphalées primaires (fréquentes): d’évolution souvent chronique, non liée à une autre cause évidente, avec un examen neurologique normal [les examens complémentaires sont inutiles], le traitement se fait selon le type.
- Céphalées secondaires (liée à une cause spécifique) : toute céphalée récente perçue comme inhabituelle par le patient doit être considérée comme urgente et nécessite absolument des investigations complémentaires.
Toute modification de la présentation des céphalées anciennes chez un patient doit faire penser à une céphalée secondaire.
Circonstances pouvant faire penser à une céphalée récente inhabituelle (cliquez pour lire) [Neurologie, Elsevier]
- Age>50 ans : penser à une maladie de Horton
- Facteurs de risque cardio-vasculaire: AVC (Accident vasculaire cérébral)
- Fièvre : méningite ou maladie générale
- Post-partum : éclampsie, thrombose veineuse cérébrale, Syndrome de Vasoconstriction Cérébrale Réversible
- Néoplasie
- Traumatisme crânien
- Prise de substances vasoactives
Signes et symptômes pouvant faire penser à une céphalée récente inhabituelle (cliquez pour lire) [Neurologie, Elsevier]
- Altération de l’état général / Claudication de la mâchoire : maladie de Horton
- Crise comitiale / déficit neurologique focale
- Fièvre : cause infectieuse
- Syndrome de Claude Bernaard-Horner [myosis, ptosis, enophtalmie] : dissection de l’artère carotide interne
- Œdème papillaire : Hypertension intracrâinienne
- Asymétrie tensionnelle : dissection de l’aorte
- Cécité monoculaire : dissection carotidienne, artérite temporale (maladie de Horton)
- Etc.
Les urgences à détecter
En pratique, toute céphalée d’apparition brutale perçue comme inhabituelle est considérée comme urgente. Selon le profil évolutif, on distingue :
- Céphalées d’apparition brutale : penser à une cause vasculaire en premier lieu (!! Hémorragie sous-arachnoïdienne)
- Céphalées rapidement progressives
Céphalées d’apparition brutale
Parmi les céphalées d’apparition brutale, les urgences suivantes sont à prendre en compte :
- Hémorragie sous-arachnoïdienne
- Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible (SVCR) : des artères cérébrales, réversible en 3 mois. Le sexe féminin semble le plus atteint.
- Encéphalopathie hypertensive : dans le cadre d’une hypertension artérielle maligne
Hémorragie sous-arachnoïdiennes (HSA)
Elle se présente comme une céphalée d’apparition brutale, explosive, en coup de tonnerre, associée à un syndrome méningé.

Le Syndrome méningé se résume en des céphalées associées à des nausées, vomissements en jet, raideur de la nuque et une photophobie. La température peut être normale ou élevée.
Devant une HSA, un scanner cérébral sans injection en urgence est indiqué. Un scanner normal n’élimine pas une HSA. Faites une Ponction lombaire si le scanner est normal.
Céphalées rapidement progressives
Les tableaux suivants sont à retenir devant des céphalées rapidement progressives :
- Méningite ou méningo-encéphalite
- Syndrome d’hypertension intracrânienne (HTIC) : en rapport soit à un processus expansif, une thrombophlébite des sinus veineux ou une HTIC idiopathique.
- Maladie de Horton (sujets>50 ans) : artérite à cellule géante avec atteinte segmentaire et multifocale de la paroi des arères (de gros calibre), préférentiellement de l’artère temporale supérficielle.
- Céphalée post-traumatique : apparition moins de 7j après un traumatisme crânien.
Une céphalée récente inhabituelle avec un scanner normal impose la réalisation d’une Ponction lombaire.
Par ailleurs, les causes suivantes peuvent également être décrites : affection ORL (sinusite), glaucome, intoxication au monoxyde de carbone…
Il existe aussi une entité beaucoup plus particulière: il s’agit des céphalées par Syndrome d’Hypotension Intracrânienne. En effet, ce syndrome peut être iatrogène et dû à une soustraction du LCS (Liquide Cérébro-spinal) après une ponction lombaire ou idiopathique par une brèche durale spontanée ou post-traumatique.
Examens complémentaires
Devant des crises de céphalées récentes et inhabituelles, il est impératif d’effectuer de plus amples investigations pour en définir la cause. Les examens suivants sont à réaliser :
- Scanner cérébral sans injection : en première intention
- IRM cérébrale
- Ponction lombaire (PL) : après avoir éliminé les contre-indications, avec un scanner normal, une PL est indiquée.
La PL peut être réalisée en première intention en cas de syndrome méningé fébrile sans signe de focalisation et absence de troubles de conscience. Dans le cadre d’HTIC avec un scanner normal, une PL peut être réalisée pour mesurer la Pression Intracrânienne, voire soulager les céphalées.
Troubles d’hémostase + risque d’engagement = Contre-indication à la PL.
En plus de ces examens, d’autres peuvent y être associés :
- Bilan biologique
- Echographie (cervicale, voire Doppler Transcrânien dans le cadre d’un traumatisme crânien)
- Examen ORL
- Examen Ophtalmologique
Traitement des céphalées récentes inhabituelles
Le traitement des céphalées récentes inhabituelles peut être initié par des antalgiques (Paracétamol) qu’on peut associer à un anti-émétique. La voie systémique est préférée en cas de nausées ou vomissements.
Les AINS sont à éviter si l’étiologie n’est pas clairement définie en raison du risque hémorragique.
Un traitement étiologique est à instaurer systématiquement en fonction du diagnostic trouvé.
Les céphalées anciennes ou chroniques (a priori primaires)
Les céphalées chroniques sont définies comme des céphalées persistantes pendant plus de 3 mois, la migraine représentant le chef de file.
Parmi les céphalées chroniques, nous pouvons citer :
- Migraine
- Céphalées de tension
- Névralgie du Trijumeau
- Algie vasculaire de la face
En principe, elles ne nécessitent aucune investigation complémentaire. Leur prise en charge varie selon le type.
Type de céphalée | Symptômes | Traitement symptomatique | Traitement de fond |
Migraine (avec ou sans aura) | douleur pulsatile, uni ou bilatérale, intensité modérée à sévère, aggravée par l’activité physique | Paracétamol / AINS Peut être associé aux Triptans (CI si antécédent vasculaire) | Propanolol : bêta-bloquant |
Céphalées de tension | Douleur à type de pression, de serrement,Irradiation vers muscles cervicaux, sans signes associées (Durée > 72h) Siège : antérieure, postérieure (cervicalgie) +++Contexte psychologique | Paracétamol, AINS | Amitryptiline : antidépresseur |
Névralgie du trijumeau | Douleur importante siégeant sur l’hémiface, suivant le trajet du nerf trijumeau. Type : brûlure, décharge électrique Facteur favorisant : après avoir effleuré la zone gâchette. ++Prédominance chez les hommes | – | Carbamazépine Voire, traitement chirurgical |
Algie vasculaire de la face | Douleur sévère, unilatérale, périorbitaire, associée à une rhinorrhée, larmoiement, œdème palpébral, myosis/ptosis | Oxygénothérapie Sumatriptan | Verapamil, corticothérapie, voire chirurgie |
Conclusion
La survenue des céphalées constitue une situation embarrassante pour le patient pouvant rétentir sur la qualité de vie. Elles peuvent par ailleurs être associées à des causes diverses et multiples : Neurologique, ORL, Ophtalmo, des intoxications voire des maladies générales (systémiques). Leur prise en charge et la détermination du profil (primaire ou secondaire) est essentielle pour guider la stratégie thérapeutique.
Cet article vous décrit les causes urgentes et fréquentes des céphalées et vous encourage à bien examiner vos patients afin de définir correctement la cause.
Toute céphalée décrite inhabituelle d’apparition récente doit être considérée comme secondaire et prise pour le compte d’une urgence nécessitant des investigations supplémentaires.
Sources
- Neurologie, Elsevier (4e Edition)
- Science Directe
- Info Radiologie
- Cours de Neurologie, Faculté de Médecine et Pharmacie de Rabat (Pr. Benomar)