Le strabisme se caractérise par un défaut de parallélisme des axes visuels. Autrement dit, dans une condition normale, nos deux yeux sont censés pointer simultanément dans la même direction de manière parallèle. Cependant, pour diverses raisons que nous découvrirons ensemble, certains enfants naissent avec une incapacité à aligner correctement leurs yeux. Ce déficit de fixation peut entraîner des conséquences parfois handicapantes, telles que :
- L’amblyopie : Une diminution de l’acuité visuelle d’un œil par rapport à l’autre non corrigible par des verres correcteurs.
- La confusion visuelle : Une difficulté à fusionner les images perçues par chaque œil.
- La neutralisation : Un mécanisme de suppression de l’image provenant de l’œil dévié.
- La diplopie : La perception d’une image en double.

Le strabisme ne se limite pas à un simple déficit fonctionnel. Aujourd’hui, il est également perçu comme un véritable handicap psychologique pour les personnes qui en souffrent, impactant leur estime de soi et leurs interactions sociales. Sur le plan médical, cette condition représente une urgence diagnostique et thérapeutique, nécessitant une prise en charge rapide pour prévenir les complications et améliorer la qualité de vie des patients.
Physiopathologie
Dans les conditions normales, les images perçues par nos deux yeux en passant par les milieux transparents de l’oeil (cornée, cristallin) jusque vers la rétine, retransmises vers le cortex cérébrale (occipital) par des nerfs, sont fusionnées en une image unique permettant ce qu’on appelle : une vision binoculaire normale.
La vision binoculaire est donc un phénomène au dépens en premier lieu de :
- L’intégrité anatomique de l’oeil : cornée, cristallin, iris, rétine…
- Coordination motrice des deux yeux : liberté de mouvement des yeux dans différentes directions.
La coordination motrice des deux yeux est assurée par deux principes fondamentaux:
- La loi d’égale innervation (Loi de Hering) : une même quantité d’influx nerveux est transmise aux couples musculaires synergiques. Ex : lors d’un regard latéral droit, les muscles droit latéral et droit médial reçoivent éventuellement la même quantité d’influx nerveux.
- La loi de l’innervation réciproque (Loi de Sherrington) : lorsque les agonistes se contractent, les antagonistes se retractent.
Notion de correspondance rétinienne
Un facteur clé dans le développement d’une vision binoculaire normale est la correspondance rétinienne. Ce mécanisme fondamental repose sur un principe simple : les images captées par les deux yeux sont projetées sur des zones correspondantes du cortex visuel. Cette synchronisation permet au cerveau de fusionner les deux images en une perception unique et cohérente, essentielle pour une vision stéréoscopique (en relief) et une coordination visuelle optimale.
Dans le cas des strabismes précoces, l’enfant peut développer une difficulté de correspondance rétinienne normale rendant impossible une vision stéréoscopique normale. La vision stéréoscopique est celle permettant de mieux identifier le relief d’un objet dans sa forme tridimensionnelle, elle permet donc de mieux identifier la forme des objets, évaluer une distance, etc.
Pathogénie du strabisme

Le strabisme se manifeste par une perte de parallélisme des axes visuels, où les deux yeux ne regardent pas dans la même direction. Ce trouble survient généralement chez les enfants pendant la phase critique du développement de la vision binoculaire, qui s’étend jusqu’à environ 6 ans.
Si une anomalie oculaire n’est pas corrigée à temps durant cette période, le cerveau peut négliger les informations provenant de l’œil dévié, ce qui risque d’entraîner une amblyopie définitive, compromettant ainsi la qualité visuelle à long terme.
Elle implique toujours une composante motrice et sensorielle. La composante motrice fait référence à un défaut de motilité oculaire et la composante sensorielle fait référence soit à un risque d’amblyopie ou d’altération de la vision binoculaire.
Le strabisme est donc un symptôme qui peut provenir d’une atteinte sensorielle (strabisme symptôme d’une dysfonction sensorielle) ou d’une atteinte de la motricité oculaire (strabisme sympôme d’une dysfonction motrice). A savoir qu’une atteinte motrice de l’oeil peut en plus, altérer la vision et causer une atteinte sensorielle (une diplopie par ex.).
Note : En somme le strabisme peut donc être lié à plusieurs facteurs :
- Facteurs héréditaires
- Facteurs anatomiques : atteinte organique des constituants de l’oeil. Ex : rétinoblastome
- Défaut d’accomodation : strabisme dit accomodatif.
- Atteinte organique de l’oeil : cataracte, rétinoblastome…
- Paralysie oculomotrice
L’accommodation est la capacité de l’œil à ajuster sa puissance de réfraction pour garantir une vision nette. Ce processus est principalement assuré par le cristallin, qui modifie sa courbure, bien que la cornée joue également un rôle dans la réfraction initiale.
Un défaut d’accommodation d’un œil peut résulter d’une déviation de l’axe visuel, perturbant ainsi le fonctionnement coordonné des structures oculaires nécessaires à une vision précise.
Le Strabisme est une URGENCE, et toute baisse de l’acuité visuelle peut entraîner un strabisme.
Conséquences du strabisme
Un strabisme non pris en charge précocément est susceptible d’entraîner des conséquences graves telles :
- Amblyopie
- Neutralisation : le cerveau annule l’image provenant de l’œil pathologique
- Confusion visuelle
- Diplopie visuelle : vision double.
Epidémiologie et dépistage
Le strabisme touche environ 4 % de la population générale et affecte principalement les enfants. Une prise en charge précoce est essentielle, car elle permet une récupération plus rapide et une meilleure adaptation visuelle pour les patients.
Il est crucial de réaliser un dépistage du strabisme chez tous les enfants, de préférence avant l’âge de 2 ans, afin d’identifier rapidement toute anomalie et d’intervenir avant que des complications, comme l’amblyopie, ne se développent.
Interrogatoire
Il constitue l’étape clé du dépistage du strabisme, permettant de définir le délai d’apparition du strabisme, une prématurité chez l’enfant, l’existence d’antécédents familiaux de strabisme, le sens de déviation (hyper- hypo, exo- eso), le caractère intermittent (phorie) ou permanent (tropie), voire la dominance ou l’alternance du strabisme.
Un enfant avec un strabisme précoce (avant 6 ou 9 mois) a moins de chance de développer une vision binoculaire normale. Il n’y a pas de vision binoculaire en cas de strabisme permanent.
Examen Ophtalmologique d’un enfant strabique
Examens à demander | Intérêt de l’examen |
---|---|
Examen de la motilité oculaire | Dépister un strabisme d’origine paralytique |
Examen de la refraction au cycloplégique | Dépister une amétropie (hyperopie, myopie) ou astigmatisme |
Examen du segment antérieur | Dépister une pathologie ophtalmologique en cause du strabisme. Ex: une carataracte, rétinoblastome |
Examen de l’acuité visuelle | Dépister une amblyopie |
Examen de l’angle de déviation | Adapter l’indication chirurgicale |
Examen de la vision binoculaire | Intérêt pronostique |

Diagnostic différentiel

L’un des diagnostics différentiels principaux du strabisme est l’épicanthus qui est un repli exagéré des paupières dans l’angle interne de l’œil.
Prise en charge thérapeutique
Le strabisme étant une urgence, une prise en charge précoce est la clé qui garantit un récupération optimale de l’enfant. Le traitement repose sur :
- Une approche médicale
- Une approche chirurgicale
Approche médicale
Elle est basée sur deux principes fondamentaux
- Une correction optique totale (COT) : par des verres correcteurs, elle est systématique.
- Lutte contre l’amblyopie : occlusion de l’oeil dominant (sain) par patch associée à une COT
Approche chirurgicale
La chirurgie du strabisme joue un rôle crucial dans la prise en charge lorsque les autres traitements, comme la correction optique, n’ont pas permis d’éliminer la déviation oculaire. Voici les points clés :
- Indications de la chirurgie :
- Persistance de la déviation malgré une correction optique adaptée (lunettes ou lentilles).
- Objectif : améliorer l’alignement des axes visuels pour optimiser la vision binoculaire et réduire les troubles fonctionnels ou esthétiques.
- Principe de l’intervention :
- Affaiblir certains muscles oculomoteurs : cela peut impliquer leur recul ou leur allongement.
- Renforcer d’autres muscles : par exemple, via un raccourcissement (résection).
- Le choix de la technique dépend du type et de la sévérité de la déviation (esotropie, exotropie, hypertropie, etc.).
- Objectifs chirurgicaux :
- Rétablir un alignement des yeux proche de la normale.
- Permettre un développement ou une récupération partielle de la vision binoculaire, selon l’âge du patient et le délai d’intervention.
- Améliorer l’esthétique faciale, particulièrement important pour les enfants afin d’éviter des répercussions psychologiques.
La chirurgie du strabisme est généralement sécuritaire et bien tolérée, mais elle peut nécessiter un suivi régulier pour vérifier l’alignement et ajuster la prise en charge en cas de récidive.
Conclusion
Le strabisme est une urgence fonctionnelle, s’il est dépisté et traité précocement, peut souvent être corrigé pour prévenir des complications comme l’amblyopie. Une prise en charge adaptée, incluant correction optique ou une chirurgie, améliore l’alignement des yeux, la vision binoculaire et le bien-être du patient.
Sources
- Référentiels, Collège d’Ophtalmologie 5e Edition (Elsevier)
- Strabismes, PR TACHFOUTI SAMIRA (FMPR, 5e année Médecine)