Introduction

Le cancer de l’ovaire est considéré comme le plus grave des cancers gynécologiques. Il touche principalement les femmes de plus de 45 ans et se caractérise par une évolution lente et silencieuse, ce qui rend son diagnostic précoce difficile.

Dans la majorité des cas, il n’est découvert qu’à un stade avancé, lorsque la maladie s’est déjà propagée à l’abdomen ou à d’autres organes. Son pronostic est donc souvent sombre, avec un taux de survie global à cinq ans inférieur à 20 % tous stades confondus.


Épidémiologie et facteurs de risque

Les facteurs de risque du cancer de l’ovaire sont multiples et peuvent être regroupés en trois grandes catégories :

1. Facteurs génétiques et familiaux

Certaines mutations héréditaires, notamment celles des gènes BRCA1 et BRCA2, augmentent considérablement le risque de développer un cancer de l’ovaire. Ces mutations sont également impliquées dans le syndrome de Lynch, qui prédispose à d’autres types de cancers. Les antécédents familiaux jouent donc un rôle déterminant : la présence de plusieurs cas de cancer du sein et/ou de l’ovaire dans une même famille doit attirer l’attention.

2. Facteurs liés à la reproduction et à l’âge

Le risque augmente avec l’âge, en particulier après la ménopause. La nulliparité (absence de grossesse), une ménarche précoce (règles précoces) et une ménopause tardive prolongent la période d’exposition hormonale, ce qui accroît le risque de transformation maligne des cellules ovariennes.

3. Facteurs environnementaux et liés au mode de vie

Le surpoids, l’obésité, le tabagisme et l’exposition à l’amiante sont également associés à un risque accru.

En revanche, certains facteurs sont protecteurs, notamment :

  • L’usage prolongé de la contraception orale, qui réduit de façon significative le risque de cancer ovarien.
  • La salpingectomie prophylactique (ablation des trompes), recommandée chez les femmes porteuses de mutations BRCA, qui réduit le risque de cancer ovarien en supprimant le lieu d’origine de nombreuses tumeurs.

Anatomie et types cellulaires

Les ovaires sont deux organes en forme d’amande situés de part et d’autre de l’utérus. Ils ont pour principales fonctions la production des ovules et la sécrétion d’hormones sexuelles féminines (œstrogènes et progestérone).

Sur le plan histologique, le cancer de l’ovaire est hétérogène. Il peut naître de trois types de cellules :

  1. Cellules épithéliales : les plus fréquentes (environ 90 % des cas).
  2. Cellules germinales : observées surtout chez les femmes jeunes.
  3. Cellules du stroma et des cordons sexuels : plus rares, parfois associées à des sécrétions hormonales anormales.

Présentation clinique

Le cancer de l’ovaire est une maladie longtemps asymptomatique. Les signes apparaissent à un stade tardif, souvent lorsque la tumeur est volumineuse ou qu’elle s’est étendue.
Les symptômes les plus fréquents sont :

  • Douleurs abdominales diffuses ou sensation de pesanteur pelvienne,
  • Ballonnements persistants, constipation, troubles digestifs,
  • Augmentation du volume de l’abdomen, parfois due à une ascite (accumulation de liquide),
  • Troubles urinaires : envies fréquentes, difficulté à uriner,
  • Saignements génitaux anormaux (métrorragies).

Dans certains cas, la découverte est fortuite, lors d’une échographie de routine ou d’un examen clinique.


Diagnostic

1. Imagerie

L’échographie pelvienne est l’examen de première intention. Réalisée par voie vaginale et abdominale, elle permet d’évaluer la taille, la forme et la nature de la masse ovarienne.
L’IRM pelvienne est utilisée pour préciser le siège et la structure de la tumeur et rechercher une extension loco-régionale.
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien (TDM) aide à détecter la présence de métastases et à évaluer l’étendue de la maladie.

Des systèmes standardisés, tels que IOTA (International Ovarian Tumor Analysis) et O-RADS (Ovarian-Adnexal Reporting and Data System), facilitent la classification des masses selon leur probabilité de malignité.

2. Marqueurs biologiques

Les principaux marqueurs utilisés sont :

  • CA125 : souvent élevé dans les cancers épithéliaux, mais aussi dans des affections bénignes (endométriose, inflammation pelvienne).
  • HE4 : plus spécifique du cancer de l’ovaire et utile pour distinguer une tumeur bénigne d’une tumeur maligne.

Ces marqueurs peuvent être combinés pour calculer des indices pronostiques :

  • ROMA (Risk of Ovarian Malignancy Algorithm) : combine CA125, HE4 et statut ménopausique.
  • RMI (Risk of Malignancy Index) : combine CA125, score échographique et statut hormonal.

3. Confirmation diagnostique

La coelioscopie (ou parfois la laparotomie exploratrice) permet de confirmer le diagnostic, d’évaluer l’extension et d’effectuer les prélèvements nécessaires à l’analyse histologique.


Classification et stadification

La classification FIGO (2018) divise le cancer de l’ovaire en quatre stades :

  • Stade I : limité aux ovaires,
  • Stade II : extension au pelvis,
  • Stade III : atteinte péritonéale ou ganglionnaire,
  • Stade IV : métastases à distance.
    Cette stadification est essentielle pour déterminer le traitement et le pronostic.

Prise en charge thérapeutique

Le traitement repose principalement sur une approche chirurgicale et chimiothérapeutique.

1. Chirurgie

C’est le pilier du traitement. L’objectif est une cytoréduction complète (R0), c’est-à-dire l’exérèse totale des tissus tumoraux visibles.
Les gestes peuvent inclure :

  • Hystérectomie avec annexectomie bilatérale,
  • Omentectomie (ablation du grand épiploon),
  • Curage ganglionnaire pelvien et lombo-aortique,
  • Prélèvements péritonéaux multiples,
  • Appendicectomie, voire résection de segments intestinaux ou d’autres organes si nécessaire.
    Cette chirurgie est réalisée par une équipe pluridisciplinaire.

2. Chimiothérapie

Elle associe généralement un sel de platine (carboplatine) au paclitaxel, administrés toutes les trois semaines.
Elle peut être :

  • Adjuvante : après la chirurgie, pour éliminer les cellules résiduelles,
  • Néoadjuvante : avant la chirurgie, pour réduire le volume tumoral dans les stades avancés.

3. Prise en charge spécifique

Les décisions thérapeutiques sont discutées en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) afin d’adapter la stratégie à chaque patiente.


Surveillance et pronostic

La surveillance est essentielle car les récidives sont fréquentes, survenant dans 5 à 55 % des cas.
Le suivi comprend un examen clinique et un dosage du CA125 :

  • Tous les 4 mois pendant 2 ans,
  • Tous les 6 mois jusqu’à 5 ans,
  • Puis une fois par an.

Le pronostic dépend du stade au diagnostic et du résultat de la chirurgie initiale :

  • Stade I : survie à 5 ans ≈ 70 %
  • Stade II : ≈ 40 %
  • Stade III : ≈ 20 %
  • Stade IV : < 10 %

Les autres facteurs influençant la survie sont le type histologique, le grade tumoral et l’âge de la patiente.


Prévention et dépistage

À ce jour, aucun dépistage systématique n’a prouvé son efficacité dans la population générale.
Chez les femmes porteuses de mutations BRCA, un suivi spécifique est recommandé : échographie pelvienne, IRM et dosage du CA125, accompagnés d’une discussion sur la chirurgie prophylactique après 40 ans.


Cancer de l’ovaire et fertilité

Chez les femmes jeunes, la préservation de la fertilité est une préoccupation majeure.
Elle peut être envisagée dans certains cas :

  • Tumeurs borderline : traitement conservateur possible, sous contrôle strict.
  • Tumeurs germinales : traitement conservateur recommandé, car ces tumeurs répondent bien à la chimiothérapie.
  • Tumeurs épithéliales : préservation de la fertilité possible seulement dans des cas très sélectionnés, après discussion en RCP.

Conclusion

Le cancer de l’ovaire demeure un véritable défi en santé féminine. Sa découverte tardive et son évolution silencieuse en font une maladie redoutable. La clé de l’amélioration du pronostic réside dans la vigilance clinique, la collaboration multidisciplinaire, la formation continue des praticiens et la prévention ciblée chez les femmes à risque.

Enfin, la recherche sur les marqueurs biologiques, les thérapies ciblées et les stratégies de dépistage précoce constitue un espoir majeur pour améliorer la survie et la qualité de vie des patientes.


Auteure : Professeur Hafsa Taheri
Professeure de gynécologie-obstétrique
CHU Mohammed VI d’Oujda – Faculté de médecine et de pharmacie d’Oujda

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