L’épilepsie est l’une des affections cérébrales graves les plus courantes, touchant plus de 70 millions de personnes dans le monde et souvent stigmatisée dans de nombreuses régions. Elle se caractérise par une prédisposition durable à générer des crises d’épilepsie spontanées, les personnes atteintes ne bénéficient pas toujours d’un traitement adéquat, entraînant de nombreuses conséquences neurobiologiques, cognitives et psychosociales.

Qu’en est-il de l’épilepsie

Le contexte de crise d’épilepsie fait allusion à des manifestations cliniques brutales (altération de conscience, motrices, sensitives, psychiques, végétatives…), paroxystiques et transitoires dues à une hyperstimulation synchrone des neurones (corticaux ou cortico-sous-corticaux) hyperexcitables.

Par ailleurs, il est important d’établir la nette différence entre une crise épileptique et une maladie épileptique.

  • Crise épileptique : il s’agit essentiellement d’un symptôme avec des manifestations cliniques paroxystiques et transitoires.
  • Maladie épileptique : elle correspond à une répétition des crises épileptiques suivant certains critères.

Crise provoquée =  crise symptomatique d’une affection aiguë, celle non provoquée = spontanée ou due à des facteurs précipitant (manque de sommeil, alcool, stress)

On parle de maladie épileptique lorsque soit :

  • Deux crises épileptiques non provoquées à >24h d’intervalle
  • Une crise non provoquée avec des manifestations à l’EEG ou des lésions épileptogènes à l’imagerie
  • Ou dans le cadre d’un syndrome épileptique défini

D’autre part, la crise épileptique correspond soit à une crise provoquée ou non provoquée, ou à plusieurs crises à <24h d’intervalle.

La crise convulsive correspond à la manifestation motrice d’une crise épileptique.

Notion d’état de mal épileptique

On parle d’état de mal épileptique en cas de crises suffisamment rapprochées avec persistance en intercritique d’une altération de la conscience ou des signes neurologiques en rapport avec la zone des neurones affectée. En général, le diagnostic d’état de mal pour des crises partielles (focales) est posé si deux crises se répètent sur un intervalle moins de 30 minutes (sans retour à un état neurologique normal) ou d’une crise qui dure plus de 30 minutes.

D’autre part, en cas de crise généralisée tonico-clonique, on parle d’état de mal si la crise dure plus de 5 minutes. !!! URGENCE VITALE

Epidémiologie

La maladie épileptique est distribuée de manière bimodale avec deux pics : chez les nourrissons de moins d’un an et chez les personnes de plus de 50 ans. Chez les personnes plus âgées (> 50 ans), l’incidence augmente avec l’âge et l’incidence la plus élevée se situe chez les personnes de plus de 70 ans. Pour des raisons inconnues, l’incidence est plus élevée dans les pays à faible revenu que dans les pays à revenu élevé, et généralement supérieure à 80100 pour 100 000 personnes par an ; cependant, un système de prestation de soins de santé de qualité inférieure, une mauvaise hygiène, un assainissement de base médiocre et un risque plus élevé d’infections et de traumatisme crânien pourraient y contribuer.

Les types d’épilepsie sont divisés en quatre catégories : focale, généralisée, combinée généralisée et focale, et inconnue. La nouvelle catégorie d’épilepsie combinée généralisée et focale est utilisée pour les personnes présentant les deux types de crises. Les syndromes de Dravet ou de Lennox Gastaut en sont des exemples courants. Le plus haut niveau de précision peut être obtenu en identifiant un syndrome épileptique.

Mortalité

La mortalité prématurée chez les personnes épileptiques constitue un grave problème de santé publique, car certains décès pourraient être évités (les convulsions fréquentes constituent le principal facteur de risque, particulièrement si elles sont nocturnes et une surveillance nocturne pourrait être protectrice). Les comorbidités sont la principale cause de décès, en particulier peu de temps après le diagnostic. Les décès dus à des causes externes (par exemple, les accidents) semblent plus fréquents dans les pays à faible revenu que dans les pays à revenu élevé. Jusqu’à un tiers de tous les décès prématurés sont soit directement (par exemple, état de mal épileptique, blessures, mort subite inattendue) dans l’épilepsie) ou indirectement (par exemple, pneumonie par           aspiration, suicide, noyade) attribuables à l’épilepsie.

L’incidence est de 1,2 pour 1 000 personnes-années, avec un pic chez les 20-40 ans(soit l’âge moyen).

Physiopathologie

Les mécanismes physiopathologiques par lesquels les anomalies structurelles provoquent des crises épileptiques ne sont pas entièrement compris. Les crises résultent principalement d’une activité anormale des neurones corticaux, bien que les cellules gliales et les axones de la substance blanche puissent être impliqués secondairement.

L’épileptogenèse est le processus de conversion d’un cerveau non épileptique en un cerveau capable de générer des crises spontanées et récurrentes: le processus est conceptualisé comme résultant d’un déséquilibre entre l’activité excitatrice et inhibitrice au sein d’un réseau neuronal, de sorte qu’il devient susceptible de fonctionner de manière excessive, hypersynchrone et oscillatoire, ce qui, lorsqu’il est maintenu, perturbe le traitement neuronal normal et est capable de perturber d’autres réseaux neuronaux.

Pour les épilepsies généralisées, les réseaux épileptogènes sont largement distribués, impliquant les structures thalamo-corticales bilatéralement. Pour les épilepsies focales, les réseaux impliquent des circuits neuronaux dans un hémisphère, généralement limbique ou néo-cortical.

Bases génétiques

Traditionnellement, on pensait que les anomalies génétiques étaient principalement à l’origine des épilepsies généralisées, en particulier des épilepsies généralisées idiopathiques et des encéphalopathies épileptiques développementales. Les épilepsies focales peuvent cependant également avoir une base génétique. Plus de 30 gènes mutés différents ont été découverts dans des familles atteintes d’épilepsies monogéniques autosomiques dominantes rares à forte pénétrance.

Les mutations initiales découvertes concernaient principalement des gènes codant pour les canaux ioniques ; cependant, plusieurs mutations ont été découvertes dans des gènes non liés aux canaux ioniques, notamment des gènes de récepteurs neuronaux, de facteurs de transcription et d’enzymes. Les personnes atteintes d’épilepsies monogéniques familiales représentent un faible pourcentage (5 à 10 %) de toutes les épilepsies génétiques.

Des preuves suggèrent que la présence d’antécédents familiaux d’épilepsie augmente le risque de développement d’une épilepsie focale acquise, comme celles consécutives à un traumatisme crânien.

Démarche diagnostique

La clinique impose qu’on ne peut parler d’épilepsie sans manifestation clinique. Toute anomalie seule à l’EEG n’impose pas le diagnostic d’épilepsie, ni le début du traitement.

L’épilepsie étant en soi une situation de récurrence des crises, la démarche diagnostique repose premièrement sur l’interrogatoire des parents, préciser le type de crise, les circonstances de survenue, la durée moyenne des crises, la présence d’un déficit post critique.

Un EEG (ElectroEncéphalogramme) est indiqué en cas de suspicion de maladie épileptique, excepté dans le cadre des crises hyperthermiques simples (associées à une fièvre).

Un EEG normal n’élimine pas une maladie épileptique.

L’imagerie peut être indiquée dans le cadre d’une maladie épileptique, l’IRM étant l’examen de choix. Les circonstances suivantes peuvent indiquer une imagerie en urgence :

  • En cas de déficit post-critique
  • Dégradation clinique de l’enfant

Relevons également qu’il peut exister plusieurs types de crise épileptiques :

  • Crises généralisées : atteinte des deux hémisphères cérébraux associée à une perte de conscience, voire des manifestations motrices bilatérales et synchrones. Ex : Crises tonico-cloniques généralisées, crises myocloniques, syndrome de West, épilepsie-absence
  • Crises partielles (ou focales) : atteinte d’une zone spécifique du cerveau, voire sans altération de la conscience avec des manifestations motrices localisées, voire végétatives. Ex : Epilepsie à paroxysmes rolandiques, crises partielles simples

Une épilepsie, même partielle peut être sujette à une généralisation secondaire. Une épilepsie est dite cryptogénique si aucune cause sous-jacente n’est identifiée, ni à l’imagerie, ni à l’EEG. Par ailleurs, une épilepsie est symptomatique, si une lésion cérébrale associée est identifiée.

Concernant les étiologies des épilepsies, celles-ci sont multiples et peuvent être associées à diverses conditions pathologiques. Chez le nouveau-né, le nourrison, ou l’enfant, certaines crises épileptiques peuvent être dites : occasionnelles, cela veut simplement dire que celles-ci sont directement liées à la survenue d’un événement particulier : un trouble métabolique (telle une hypoglycémie, hyponatrémie…) une intoxication, une HTA, un traumatisme, une infection, etc.

Il est également important de savoir que chez le nourrisson, une crise épileptique peut être due à une fièvre. En effet, une prédisposition génétique à faire des crises épileptiques peut, entre autres, en cas d’hyperthermie précipiter la survenue d’une crise en son vrai sens.

A ne pas confondre avec une crise épileptique

Les circonstances suivantes peuvent prêter à confusion avec une crise épileptique :

  • Crise d’hystérie
  • Myoclonies du sommeil
  • Les trémulations : qui disparaissent lorsqu’on immobilise le membre
  • Malaise de reflux : hypertonie puis apnée et cyanose, enfin hypotonie et pâleur

Quelques types de crises épileptiques

Certaines manifestations épileptiques chez l’enfant ou l’adulte peuvent être associées à des conditions pathologiques bien définies.

Crise tonico-clonique généralisée

Il s’agit d’une crise d’allure spectaculaire se déroulant en général en trois phases avec perte de conscience du patient :

  • Tonique : le patient contracte ses muscles axiaux et ses membres, avec une révulsion oculaire, voire un cri. Des signes neurovégétatifs sont également associés avec une tachycardie, une élevation de la tension artérielle, une hypersécrétion bronchique et salivaire.
  • Clonique : il s’agit de sécousses musculaires bilatérales et synchrones.
  • Résolutive (ou postcritique) : associe une perte du tonus musculaire, une respiration qui reprend, voire une perte d’urines (énurésie).

Chez l’enfant : Les absences (ne les oubliez plus)

Comme leur nom l’indique, les absences constituent une forme assez fréquente d’épilepsie qui se caractérisent par une perte d’attention brève, à début et fin brutal : l’enfant paraît brièvement être ailleurs puis brusquement, reprend conscience et continue ses activités.

Elle affecte l’enfant entre 3 et 13 ans. Son évolution est en général favorable et le traitement est basé sur le Valproate de Sodium.

L’enregistrement EEG montre des bouffées de pointes ondes à 3 HZ, généralisées, régulières, à début et fin brusques (UPR Pédiatrie, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat, 2022-2023)

Syndrome de West du nourrisson

Il affecte le nourrisson entre 4 à 7 mois, de prédominance masculine.

Le Syndrome de West constitue un type de maladie épileptique caractérisé par la triade :

  • Spasmes épileptiques
  • Retard psychomoteur
  • Hypsarythmie à l’EEG : ondes lentes et pointes lentes diffuses, asynchrones avec désorganisation du tracé de fond.

Devant un Syndrome de West, pensez à rechercher une tache achromique qui pourrait évoquer : la Sclérose tubéreuse de Bourneville. Le traitement du Sd de West est basé sur les corticoïdes et les antiépileptique.

Prise en charge thérapeutique

Devant une crise épileptique =  arrêter la crise est votre première urgence à régler.

En situation percritique, pensez à :

  • Observez et attendez qu’il finisse sa crise.
  • Mettre le patient en position de sécurité;
  • Libérer les voies aériennes;
  • Le déshabiller (pour éviter une hyperthermie) : une hyperthermie peut favoriser une crise épileptique chez l’enfant prédisposé.

Le traitement curatif (usage des anti-épileptiques) de fond n’est indiqué que si la la maladie épileptique est avérée.

En cas d’épilepsie réfractaire au traitement médical, il existe d’autres moyens thérapeutiques pouvant être adoptés :

  • Chirurgie : Lesionectomie ou corticotéctomie, consistant à l’exérèse de la zone épileptogène.
  • Stimulation chronique du nerf vague
  • Régime cétogène : efficace uniquement chez l’enfant.

Traitement médicamenteux chez l’enfant

  1. Première administration du Valium si constat de crise : 0.5mg/kg en intra-rectal;
  2. Deuxième administration si crise persiste : réadministrer 0.5mg/kg dans les 5 à 15min suivant la crise;
  3. Troisième administration si crise persiste : à réaliser en milieu hospitalier, 0.25mg/kg de Valium par voie intraveineuse.

Si la crise persiste encore pendant plus de 30 minutes (transférer l’enfant en réanimation), recours aux anticonvulsivants par voie intraveineuse (si valium ne répond pas ou si indisponible).

On peut donc administrer par voie intraveineuse du phénobarbital (Gadénal) à une dose de 15 – 20mg/kg en perfusion pendant 20 à 30 minutes.

En fin de compte, il est nécessaire de procéder au traitement de la cause, dont éventuellement une hyperthermie, un trouble métabolique, voire une intoxication… ainsi qu’à l’éducation des parents et prévenir les récidives.

Conclusion

L’épilepsie est une condition qui peut susciter une forte inquiétude et un certain désarroi dans la société, tant les crises donnent parfois l’impression qu’une personne est en train de mourir. Il est donc essentiel de connaître les gestes de prise en charge et de sensibiliser le public afin de garantir une prise en charge optimale pour chaque patient. Merci pour votre attention.

Sources

  • iKB Pédiatrie 10e Edition
  • Collège de Neurologie Elsevier 4e Edition
  • UPR Pédiatrie, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat (2022-2023)
  • Cours de Neurologie, Pr. Regragui Wafa, Faculté de Médecine et Pharmacie de Rabat (2023-2024)
  • Vidal

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