Il s’agit d’un organe spécifique et souvent moins discuté de l’appareil urinaire, mais croyez-moi, il mérite toute notre attention. Nous allons l’examiner de manière rigoureuse, en abordant successivement son anatomie, son rôle essentiel dans le fonctionnement de l’appareil urinaire, ainsi que les principales pathologies qui peuvent l’affecter.
Anatomie de la prostate et physiologie

La prostate est un organe musculo-glandulaire de l’appareil génital masculin situé au-dessous de la vessie possédant 4 faces : antérieure, postérieure et deux latérales, une base supérieure et un sommet inférieur au-dessus de l’aponévrose du périnée.
Bien qu’elle ne soit pas directement impliquée dans les phénomènes d’érection, elle produit du liquide prostatique essentiel pour la constitution du sperme lors de l’éjaculation en favorisant la protection et la nutrition des spermatozoïdes.
La prostate produit une protéine particulière dont le rôle est la liquéfaction du liquide séminal après éjaculation, il s’agit du PSA (Prostate Specific Antigen).

La description anatomique de la prostate la plus acceptée est celle proposée par Mc Neal, divisant la prostate en plusieurs zones dont :
- Zone périphérique : 70% des cancers de la prostate
- Zone centrale
- Zone de transition : fréquemment atteinte dans les hypertrophies bénignes de la prostate
- Zone périurétérale
- Stroma fibromusculaire : non glandulaire.
Pathologie prostatique
La pathologie prostatique englobe diverses atteintes pouvant altérer le fonctionnement de cette glande. Parmi les principales affections, on distingue les pathologies tumorales, telles que l’hypertrophie bénigne de la prostate et le cancer de la prostate, ainsi que les pathologies inflammatoires, comme la prostatite. Dans cet article, nous allons nous concentrer spécifiquement sur le cancer de la prostate.
Il est essentiel de souligner que le cancer de la prostate est généralement hormonodépendant, ce qui signifie qu’il est souvent déclenché par une stimulation anormale des cellules prostatiques sous l’effet d’une hormone, principalement la testostérone.
Le cancer de la prostate et l’HBP sont deux pathologies bien distinctes. En effet, l’HBP n’est pas un facteur de risque de survenue du cancer. HBP : Hypertophie Bénigne de la Prostate.
Epidémiologie
Le cancer de la prostate est le plus fréquent des cancers chez l’homme et constitue la troisième cause de mortalité par cancer chez les sujets masculins.
Il affecte les hommes généralement à partir de l’âge de 50 ans. Exceptionnellement plus tôt.
L’âge, l’origine afro-antillaise et l’existence des cas similaires dans la famille sont les principaux facteurs de risque du cancer de la prostate.
Diagnostic positif et dépistage
Il est important de préciser que le cancer de la prostate, à un stade localisé, peut être totalement asymptomatique, ce qui signifie qu’il ne présente souvent aucun signe clinique. Les symptômes n’apparaissent généralement qu’à un stade plus avancé, lorsque la tumeur commence à s’étendre aux organes avoisinants, tels que la vessie ou le rectum.
Pour cette raison, il est recommandé d’effectuer un bilan de dépistage annuel chez tous les hommes âgés de 50 à 75 ans, même en l’absence de symptômes. Ce dépistage repose principalement sur deux examens :
- Dosage du PSA (antigène prostatique spécifique, Prostate Specific Antigen) : une protéine produite par la prostate, dont le taux peut augmenter en présence d’un cancer ou d’autres affections prostatiques.
- Toucher rectal (TR) : un examen clinique permettant au médecin de palper la prostate à la recherche d’anomalies, telles qu’une induration ou une augmentation du volume.
Ces examens permettent de détecter précocement le cancer de la prostate, augmentant ainsi les chances de traitement efficace avant que la maladie ne progresse.
Toute PSA > 4ng/ml doit faire suspecter le diagnostic d’un cancer et nécessiter des investigations complémentaires.

Pour les cas des personnes à risque (antécédents familiaux, ethnie noire), il est recommandé un bilan de dépistage dès l’âge de 45 ans.
Si le cancer est plus avancé, la symptomatologie est correlée au niveau d’envahissement des organes de voisinage : vessie, urètre avec la présence des troubles mictionnels obstructifs et irritatifs (brûlures mictionnels, pollakiurie, impériosité mictionnelle, globe vésical, etc.)
Diagnostic histologique
L’adénocarcinome est le type histologique le plus fréquent du cancer de la prostate. Il existe également d’autres formes beaucoup plus rares telles que :
- Carcinome urothéliale
- Sarcome
- Lymphome
- Métastases : très rares
Par ailleurs, il peut exister des atypies histologiques dites précancereuses telles que :
- Néoplasie intraépithéliale
- L’atrophie inflammatoire proliférative
- Ou la Petite prolifération acinaire atypique (Atypical Small Acinar Proliferation)
Une fois le diagnostic de cancer établi, il est crucial d’évaluer le degré d’agressivité et de différenciation des cellules tumorales afin d’orienter la stratégie thérapeutique. Cette évaluation repose notamment sur le score de Gleason, qui varie de 2 à 10.


Diagnostics différentiels
Certaines pathologies prostatiques associées peuvent passer pour un cancer alors qu’il ne le sont pas :
- Elevation du PSA
- Hypertrophie bénigne de la prostate
- Prostatite aiguë ou chronique
- Nodule induré au toucher rectal : prostatite chronique
- En cas de dysurie :
- Adénome de la prostate
- Sténose de l’urètre
- Tumeur de la vessie
Examens complémentaires
Une fois le diagnostic suspecté à l’examen clinique, une biopsie de la glande est indiquée afin d’établir le diagnostic de certitude. Une antibioprophylaxie est indiquée avant le geste.
Devant une PSA>4ng/ml
- Si signes de prostatite, traiter puis recontrôler 6 semaines après par une PSA et un Toucher Rectal
- Si la clinique est en faveur d’une métastase, faites une biopsie
Rapport PSA libre/PSA sérique
Le calcul de ce rapport PSA libre/PSA total est recommandé lorsque la première biopsie est négative, mais que le taux de PSA reste anormal. De plus, plus ce rapport est faible, plus le risque de cancer de la prostate est élevé.
- Si <20% = risque accru de cancer, il faut refaire la biopsie prostatique
- Si >20% = risque d’HBP, ne pas refaire la biopsie.
Bilan d’extension
Une fois le diagnostic histologique posé, il est essentiel de réaliser un bilan d’extension permettant d’évaluer l’envahissement local ou la présence des métastases à distance, on peut donc procéder à :
- Une IRM
- Prostatique : le scanner prostatique n’a pas d’intérêt
- Abdomino-pelvien : on peut réaliser un scanner abdomino-pelvien si IRM non réalisable.
Bilan des métastases
La scintigraphie osseuse est l’examen de première intention dans le cadre d’un bilan métastatique à la recherche des foyers d’hyperfixation. A cela peut être associé :
- IRM corps entier
- Scanner fenêtre osseuse
Recherche d’envahissement urinaire
Par un bilan rénal avec le dosage de la créatinine sérique et de la kaliémie. A cela peut être associé :
- Une échographie de l’arbre urinaire à la recherche d’une urétéro-hydronéphrose ou un globe vésical.
Traitement
Ne jamais entreprendre le traitement sans preuve histologique du cancer.
L’attitude thérapeutique repose sur une concertation multidisciplinaire en gardant le patient informé sur les risques potentiels et les options possibles selon son contexte. Le protocole peut être adapté selon que le cancer est métastatique ou non métastatique.
Cancer non métastatique
Selon la Classification de D’Amico (Groupe 1, 2 ou 3), on peut récourir en se basant sur la probabilité d’espérance de vie (>10 ans ou <10 ans) à :
- Surveillance du patient
- High-intensity focused ultrasound (HIFU)
- Prostatectomie radicale avec ou sans curage
- Radiothérapie externe
- Curiethérapie
- Hormonothérapie
Cancer métastatique
Si présence des métastases, on peut récourir à :
- Hormonothérapie
- Chimiothérapie
- Soins palliatifs
Traitement des complications
Le cancer de la prostate, pouvant affecter divers sites de l’organisme, nécessite une prise en charge globale intégrant une stratégie pour gérer les complications éventuelles. Ces complications peuvent être liées aux traitements (curatifs ou hormonaux) ou à la progression de la maladie elle-même.
Evolution, Score et Classification
Lorsque le traitement n’est pas initié à temps ou en cas de non réponse thérapeutique, le cancer de la prostate est susceptible de se disséminer aux organes de voisinage, premièrement au niveau local : vessie, urètre, rectum, graisse périprostatique… voire à distance par voie lymphatique (plus fréquente, vers les ganglions pelviens, aortiques, sus-diaphragmatiques ou sus-claviers gauches) ou veineuse touchant préférentiellement : l’os (le cancer est souvent ostéo-condensant), poumon, foie, surrénales…
Afin de mieux assurer le suivi et la prise en charge des patients ayant un cancer de la prostate, il existe d’une part le Score de Gleason permettant de décrire le niveau d’agressivité des cellules tumorales, la Classification de D’Amico qui décrit le risque de récidive après un traitement localisé du Cancer ainsi que la classification TNM qui permet d’évaluer la dissémination des cellules tumorales en dehors de la loge prostatique.


Conclusion
En conclusion, le cancer de la prostate représente un enjeu majeur en santé publique, nécessitant une approche diagnostique précise et une prise en charge personnalisée. Comprendre les caractéristiques biologiques de la tumeur, anticiper les complications potentielles, et adapter les stratégies thérapeutiques en fonction de chaque patient sont essentiels pour optimiser les résultats cliniques.
La sensibilisation, le dépistage précoce et les avancées en recherche demeurent des leviers indispensables pour améliorer le pronostic et la qualité de vie des patients atteints de cette maladie.
Sources
- Atlas Anatomie
- WHO : World Health Organization
- ECN Urologie (2e Edition)
- Prostate.fr
- Urologie-fonctionnelle.com